Guinée: Conakry fait sa toilette pour être « capitale mondiale du livre » pendant un an
Les ordures et carcasses de véhicules sont enlevées des rues, de nombreux étals et kiosques ont été déplacés des artères les plus visibles: la ville guinéenne de Conakry fait sa toilette pour être « la capitale mondiale du livre » pour un an à compter de dimanche.
L’opération « Capitale mondiale du livre » est une initiative de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) qui a commencé en 2001 par Madrid.
La ville choisie « s’engage à promouvoir les livres et la lecture et à mettre en oeuvre un programme d’activités pour une période d’un an », selon l’Unesco.
Conakry est la 17e ville désignée pour abriter la manifestation, dont la cérémonie d’ouverture officielle est prévue dimanche après-midi, avec le Sénégal comme invité d’honneur.
En prévision de l’événement, dont les manifestations s’étendront sur un an, jusqu’au 22 avril 2018, d’importantes opérations de nettoiement ont été menées sur plusieurs mois dans la capitale guinéenne.
Les quelque 2,5 millions d’habitants de Conakry (sur une population totale de 12 millions) se plaignent régulièrement des dépotoirs sauvages ayant pullulé dans différents quartiers, la décharge officielle de la Minière, dans la proche banlieue, peinant à contenir les déchets générés quotidiennement.
Le gouverneur de Conakry, le général Mathurin Bangoura, en poste depuis mars 2016, s’était engagé à en faire une cité propre et à « débarrasser les emprises des rues et boulevards de tous les obstacles », selon la presse locale.
Ces dernières semaines, les Conakrykas ont noté une accélération dans l’assainissement, avec un ballet de camions-bennes, grues et engins lourds s’employant à débarrasser les rues de ses ordures et carcasses de véhicules. Des scènes constatées notamment à Kaloum, quartier administratif et des affaires abritant de nombreuses ambassades.
Mi-mars, « nous avons été appelés par le gouvernorat de Conakry sur instruction du ministère de tutelle (Administration du territoire, NDLR) pour faire de Conakry la perle des lagunes », explique à l’AFP le conducteur d’un des camions, Mamadouba Soumah.
Ses collègues et lui ont été « réquisitionnés » et ont reçu « l’ordre de débarrasser Conakry de ses poubelles et véhicules usés garés le long des ruelles devant les concessions (domiciles) depuis plusieurs mois, voire des années », affirme-t-il. « Nous travaillons de nuit comme de jour ».
– Livre-cachette –
L’opération n’épargne pas les petits vendeurs informels ou ouvriers exerçant leurs activités devant des étals, des kiosques ou dans des locaux de fortune: beaucoup ont été priés de libérer les sites et aires de jeux sur les grandes artères ou zones résidentielles, administratives ou d’affaires, illégalement occupés.
Mamadou Baïlo Sow, restaurateur, fait partie des « déguerpis ». Les responsables du gouvernorat « nous accusent de verser de l’eau sale sur la route, ce qui n’est pas vrai. Seulement, comme nos voisins directs ont été chassés, ils estiment que nous aussi nous devons partir », déclare-t-il. « C’est injuste ».
En plus de ceux qui nettoient, il y a ceux qui décorent.
La capitale a ainsi vu fleurir des panneaux et affiches annonçant l’événement, incitant à la lecture ou à l’effigie de grands hommes de lettres d’Afrique et d’ailleurs, ainsi qu’une multitude de drapeaux colorés.
« Conakry, capitale mondiale du livre, c’est un honneur », « Lisons pour mieux comprendre et mieux nous parfaire ! », « Tous les goûts sont dans la lecture », peut-on notamment voir à travers la ville.
Sur la Corniche nord, on aperçoit des posters géants de l’écrivain malien Amadou Hampâté Bâ, du Sénégalais Léopold Sédar Senghor, de l’Ivoirien Amadou Kourouma, du Martiniquais Aimé Césaire et des Guinéens Williams Sassine, Tierno Monénembo et Camara Laye.
Dans les milieux culturels, notamment littéraires, beaucoup espèrent que « Conakry, capitale mondiale du livre » permettra de redynamiser la lecture et les filières du livre dans le pays où, selon le ministère de l’Education, 35 à 40% de la population est scolarisée et lit peu, hors des ouvrages imposés par les écoles.
Une mission ardue, d’après un professeur d’histoire s’exprimant anonymement. Car, ironise-t-il, aujourd’hui « en Guinée, si tu veux cacher ton argent, tu le mets dans un livre, personne ne va te le voler ! »
Avec APA