Interview : Jacob Bamogo, régisseur son et lumière : «j’ai eu la chance de sillonner le monde, grâce à ce métier »
Jacob Bamogo est un technicien, régisseur son et lumière d’origine Burkinabè. Il est actuellement à Conakry depuis le 04 octobre 2015, on l’a rencontré la semaine dernière au centre culturel franco-guinéen où il nous a accordé une interview. Dans cet entretien, Jacob Bamogo nous parle essentiellement du motif de sa présence en Guinée, du métier de technicien et du régisseur son et lumière. Bonne lecture.
Vous êtes aujourd’hui à Conakry il y’a quelques semaines, peut on connaitre le motif de présence en Guinée ?
Depuis le 04 octobre 2015, j’ai foulé le sol de la Guinée-Conakry pour animer un atelier technique mais en même temps faire la création d’un spectacle.
Tous les jours, à coté de la création, nous avons de 9h à 13 heures l’atelier de formation en régie et son avec des jeunes stagiaires. J’essaye donc lors de cet atelier, d’échanger avec des techniciens mais aussi des gens qui n’ont jamais fait la technique. Dans un premier temps, nous avons planché sur l’électricité, parce que pour être technicien, il faut d’abord connaitre l’importance de l’électricité et de l’appliquer dans le son et lumière. C’est pourquoi, nous avons vu quelques informations essentielles en ce qui la concerne. Et puis, nous avons vu la lumière, comment créer la lumière par rapport à une histoire, l’importance de la profondeur, les reliefs ? Comment créer la profondeur par rapport à un spectacle ? Si c’est la musique, comment faire la lumière, si c’est le théâtre, quel genre de lumière il faut ? Et si c’est la dance ainsi de suite. On n’a finalement terminé par le son.
Il faut tout de même souligner qu’on n’a pas pu faire la pratique du son et de la lumière. Il nous reste la dernière étape qu’est comment créer la lumière et le son en regardant un spectacle vivant ou un théâtre ? A partir de ça, chaque stagiaire doit pouvoir faire un plan et une fiche technique.
Vous dites que vous êtes là pour une création, peut on savoir de quelle création il s’agit ?
C’est la compagnie Belica Théâtre qui m’a fait venir pour animer son spectacle intitulé « de la mémoire des errants ». Un acte que le ministre en charge a d’ailleurs très apprécié lors de notre visite de courtoisie à son département. Le ministre Amirou Conté n’avait pas hésité de me le rappeler, qu’il avait tenté à plusieurs fois de me faire venir en Guinée, avant qu’il ne soit ministre, mais malheureusement il n’avait pas pu le faire. C’est donc pour lui, une grande chance que je sois ici.
Par ailleurs, au niveau de la création, nous avons beaucoup avancé. Je pense que si tout se passe bien, nous aurons un spectacle de qualité en tout cas par rapport à la technique, par rapport à la scénographie et d’autres aspects.
Comment vous voyez le niveau des stagiaires ?
Pas mal, ce qui m’a beaucoup impressionné des stagiaires, c’est l’envie. On sent qu’ils ont l’envie d’apprendre quelque chose, et cela fait plaisir. Il suffit seulement qu’ils s’appliquent. On connait beaucoup de techniciens dans d’autres pays tels que, l’Afrique centrale, l’Afrique australe et même ici qui n’ont pas eu cette chance d’apprendre la technique à partir de la théorie, c’est la pratique directe mais ils s’en sortent bien. Ce qui veut dire, que ceux qui veulent en faire leur cheval de batail, ils peuvent réussir sans problème. Parce que j’en ai formé plein de gens dans ma vie et j’ai eu la chance d’enseigner à l’université de Ouagadougou et dans d’autres institutions universitaires.
Est-ce que toutes les conditions techniques sont réunies pour réussir ce spectacle ?
Oui et non. Oui, parce que la salle est très belle et il y’a tout ce qu’il faut techniquement. Par contre, on n’a un grand problème de matériel, parce que le matériel qu’est ici n’est pas entretenu. Quand je suis venu, j’ai constaté cela, on n’a donc demandé un minimum de quoi pour faire l’entretien et c’est là que nous nous sommes rendu compte qu’on n’a 5 projecteurs qui marchent. Pourtant, une création ne peut pas se faire avec 5 projecteurs, Il faut 15 ou 20 projecteurs.
Mais je pense que le centre culturel franco-guinéen est entrain de s’organiser pour nous trouver plus de projecteurs. Se sont les ampoules au fait qui sont grillées et ça c’est dommage. Mais on espère avoir ces projecteurs, même si on n’a une dizaine ou une quinzaine, on peut se permettre de se faire plaisir. Parce que la scène que nous voyons ici, est en deux dimensions il faut donc que l’éclairage puisse créer la troisième dimension. Comme ça, on peut dire qu’on n’est devant une salle de spectacle. C’est surtout ça que nous recherchons, un spectacle où l’éclairagiste n’a pas réussi à créer la 3ème dimension, cela veut dire qu’il n’a pas réussi à cent pour cent son travail. Quand-même, on espère avoir le matériel au complet pour qu’on puisse faire la différence entre un spectacle avec les éclairages professionnels et une salle avec un éclairage dit appoint.
Cela vous dit quoi d’être invité par une jeune guinéenne pour un spectacle ?
C’est un plaisir pour moi. Dans la sous région, c’est un pays où je n’avais pas eu la chance de venir visiter. J’ai toujours rêvée d’être ici, j’ai discuté avec le ministre Amirou Conté alors qu’il n’était pas aux affaires lors de certaines manifestations en Afrique comme au Mali par exemple, mais malheureusement ça n’a jamais aboutit avec lui. Je me suis aussi croisé avec des artistes guinéens sur beaucoup de plateaux, soit dans un festival où j’ai la création, chacun d’eux a voulu toujours que je vienne ici, mais ça n’a jamais marché. Cette fois ci, c’était vraiment une occasion que je ne voulais pas ratée et Dieu a fait que la compagnie Balica Théâtre s’est battue pour que je puisse effectuer le déplacement. Je suis vraiment très heureux d’être là.
En tant que l’un des grands régisseurs de la sous région, quel conseils donnerez vous aux jeunes qui rêvent devenir comme vous ?
Je voulais qu’on rectifie un peu. Je ne suis pas l’un des grands, peut être que je suis l’un des techniciens en Afrique qui aime son travail. Les gens disent toujours que je suis un grand techniciens, moi je ne crois pas à cela. Peut être c’est parce que j’aime bien ce que je fais et j’ai la chance d’être un peu partout à travers mes services. Je crois que c’est seulement cela, si non je ne suis pas grand, j’aime apprendre et j’apprends toujours.
En ce qui concerne votre question, je dois dire aux jeunes et tout ce qui voudraient apprendre ce métier, que c’est un métier d’avenir, parce qu’il n’y as pas 50 techniciens en Afrique. En Afrique de l’ouest, on connait combien de technicien il y’en a, on peut les compter au bout du doigt. Y’a pas beaucoup de créateurs. Je les encourage donc à aimer ce métier car c’est un métier d’avenir, un métier qui peut t’amener partout dans le monde. Moi j’ai eu cette chance de sillonner le monde entier grâce à ce métier, je sais que tout le monde peut avoir la même chance.
Il en vaut la peine de faire ce métier, d’appliquer et d’essayer de toujours se former. J’invite ces jeunes qui rêvent d’être créateurs, d’être humbles, parce que plus tu es humble, plus tu apprends. S’il n’ya pas d’humilité, on peut t’empêcher d’apprendre.
Si l’on vous demande de revenir en Guinée une, deux ou trois fois dans l’année pour donner des cours, l’accepterez vous ?
Ça sera avec plaisir, par contre, on essayera de voir comment on peut caller par rapport à mon programme, parce que pendant que je suis là, je suis attendu le 08 novembre au Benin pour animer un atelier technique. Là, depuis l’année dernière ils ont commencé avec un groupe et ils veulent que j’anime pendant une année avant de leur livrer des diplômes. En plus après Benin, je dois aller au Niger pour le festival international de la mode africaine (FIMA) qui aura lieu du 25 au 29 novembre 2015. De là, je reviens au Burkina ou ma structure doit organiser des manifestations culturelles dans notre ville pour la fête nationale au mois de décembre. Après, je repars encore au Niger pou la fête de la République, le 18 décembre. Ici, on m’a confié la régie générale, la création du spectacle de la cérémonie officielle. Donc du coup, ça fait plein de gymnastiques. Mais revenir ici, cela me fait plein de plaisirs et je sais que je vais revenir, parce que j’ai toujours cette chance de revenir deux à trois fois où je suis parti.
Mot de la fin ?
C’est de dire grand merci à cette dame (NDR, Rouguiatou Camara) et toute son équipe qui se sont battues pour que je puisse venir ici. Moi je n’en croyais plus, parce que des grandes personnalités ont tenté avant, mais en vain. Par contre, elle (Rouguiatou Camara) a réussi à me faire venir en Guinée. je sais que certains pensent que pour me faire venir, il faut tant de moyen, non, il faut tout simplement savoir discuter. Parce que nous sommes tous des africains et la seule chose pour la quelle on se bat, c’est pour que l’Afrique bouge et non un seul pays. C’est donc ensemble qu’on peut gagner ce pari. Alors je dis grand merci à cette équipe qui m’a fait venir en Guinée et aux autres qui ont accepté d’apprendre avec moi. Je leur affirme donc et aussi aux autorités du pays, de ma disponibilité à venir rendre service dans ce pays dans le cadre de la formation.
Pour terminer, je remercie la presse, parce que c’est grâce à vous, nous nous sommes vus. Nous sommes les sans voix, c’est vous qui portez nos voix. Donc on vous remercie, que Dieu vous bénisse et vous accompagne. Parce qu’il n’y a que la presse qui peut aider à faire comprendre certaines choses de ce qu’on vit, de ce qu’on fait. Je vous remercie.
Propos recueillis par Samba Marco