Interview : Rouguiatou Camara, metteur en scène « le théâtre guinée a régressé par manque de soutien de la part de l’Etat »
Interview : Rouguiatou Camara, metteur en scène « le théâtre guinée a régressé par manque de soutien de la part de l’Etat »
Rouguiatu Camara est une jeune comédienne-metteur en scène de nationalité guinéenne. On l’a rencontrée cette semaine au Centre Culturel Franco-Guinéen lors de ses répétitions avec ses comédiens. Dans un entretien qu’elle a bien voulu nous accordée, la jeune metteur en scène nous parle de son parcours, du théâtre guinéen et de sa pièce qu’elle doit présenter le 30 et 31 octobre au centre culturel. Bonne lecture.
Parlez nous de votre parcours ?
J’ai commencé le théâtre en 1994, mais pour ce qui est du théâtre professionnel, je l’ai débuté en 1996 avec la compagnie Ahmed Tidiani Cissé de l’ex ministre de la culture, paix à son âme.
J’ai fait des études de droits à l’université, mais après mon cursus, vu les difficultés d’avoir de l’Emploi, et comme j’avais le théâtre à coté qui était une passion pour moi, je me suis du coup spécialisée en jeu d’acteurs. Aujourd’hui avec des formations, je suis devenue metteur en scène.
Est-ce que ces différentes formations dont vous parlées, c’est seulement au niveau de la Guinée ou dans d’autres pays africains?
Non, il y’a la Guinée, la sous région et la France.
Lorsqu’on parle du théâtre en Guinée, les gens ne voient que les comédiens ?
Au théâtre, il y’a toute une chaine. D’abord il y’a le jeu d’acteur et ceux qui font ce jeu sont appelés comédien. Il y’a le metteur en scène qui est le patron de tout, parce que c’est lui qui dirige les comédiens, les scénographes, les chorégraphes s’il y’a la danse, la lumière et la mise en scène.
Comment vous voyez aujourd’hui le théâtre en Guinée ?
Je pense que le théâtre en Guinée ne fait que régresser. Je me rappelle bien quand je venais de commencer le théâtre, après le théâtre national et Africa style, il y avait plus d’une vingtaine de compagnies théâtrales qui existaient en Guinée. Mais au jour d’aujourd’hui, on les compte au bout des doigts. Ceux qui font du théâtre sont obligés de faire d’autres choses à coté pour vivre. Je pense que le théâtre guinéen régresse du jour en jour. Pour preuve, les festivals qui existaient, on ne les voit plus. Alors qu’est ce qu’on peut faire ? C’est de faire sa création, tu la joue une ou deux fois et puis ça s’arrête là. C’est dommage, quand on n’a pas la possibilité de vendre le travail qu’on fait et qu’au bout du rouleau on fini par moisir ou attendre jusqu’à quatre ans, avant d’être appeler dans une création.
Qu’est ce qui expliquerait cette régression à votre avis ?
Moi je pense que c’est l’abandon de l’Etat. Aujourd’hui les gens résument la culture à la musique. Quand tu parle de la culture, on te demande si tu es chanteur ou bien danseur. Les gens ont désappris la culture du théâtre. Donc je ne peux imputer la régression du théâtre en Guinée qu’à l’abandon de l’Etat, parce qu’il n’y a pas de soutien.
Dans les autres pays il y’a un budget qui est voté pour les créations, mais nous on n’en a pas ici.
Si tu n’a pas la chance de rentrer en contact avec la direction générale du centre culturel franco-guinéen qui accepte le projet que tu leur propose, tu vas moisir. Parce qu’il n’y a pas même pas de salle où faire ta création et la jouée.
Alors quel appel avez-vous à lancer à l’endroit des décideurs pour que le théâtre guinéen reprenne sa place d’antant?
Ce que je peux dire, je ne sais pas s’ils vont l’entendre parce qu’on n’arrête pas de le chanter partout où on passe. Mais on n’a vraiment besoin d’un soutien. La visibilité d’un pays c’est par sa culture, mais lorsqu’on parle de la culture ce n’est pas seulement la musique.
Dans la culture il y’a la musique, le théâtre, la peinture, la sculpture entre autres. Il y’a tellement de choses qu’on n’oublie dans la culture, alors qu’on doit soutenir. L’Etat doit donc nous soutenir pour nous permettre de mettre en valeur notre culture. Aujourd’hui, c’est par passion on fait ce métier, si non on l’aurait abandonné au profit d’une autre chose.
Aujourd’hui on ne peut pas compter 10 comédiens qui ne font que du théâtre. Si j’ai bonne mémoire on n’est trois notamment, Aicha Deen Magassouba, Ibrahima Sory Tounakara et moi-même. Les autres font toujours quelque chose à coté.celà fait vraiment mal.
Il y’a longtemps que vous êtes dans le théâtre, dites nous quelles sont compagnies aux quelles vous avez appartenue ?
Comme je vous le disais, j’ai commencé le théâtre professionnel en 1996 avec la compagnie Ahmed Tidiani Cissé jusqu’en 2000. Après on n’a suivi une formation organisée par le centre culturel franco-guinéen avec le théâtre of. A la suite de cette formation on n’a créé la compagnie sof réale qui a existé de 2000en 2003 et qui relayait un peu entre Conakry et Marseille. En 2003, j’ai créé ma propre compagnie qu’on appelle ‘’Bélica Théatre de Guinée’’, une année après c'est-à-dire en 2004, j’ai intégré le théâtre national de Guinée. Je suis actuellement entre le théâtre national de Guinée et Bélica Théâtre. Mais je dois vous signaler qu’entre 2000 et 2002, j’ai travaillé avec les sardines de Conakry, parce qu’ils devaient aller à un festival, mais comme ils étaient en manque de comédien, ils m’ont fait appelle pour travailler avec eux.
On n’apprend que vous vous préparez pour la création d’une pièce théâtrale, concrètement de quoi il s’agit ?
Oui c’est vrai. La création porte le nom «de la mémoire des errants ». J’ai découvert cette création pendant la résidence d’écriture qu’organise la compagnie « la muse » de Mamadou Bilia Bah. Vous savez chaque deux ans cette compagnie organise une résidence d’écriture dont la dernière phase consiste à la lecture de ce que les auteurs ont écrit et qui fini par une lecture scénique.
Donc c’est ainsi que Bilia m’a appelée pour venir faire la lecture avec eux sous la direction de Véronique Villard. C’est là où j’ai découvert la pièce et comme chaque résidence, la pièce primée est toujours produite l’année qui suit par le CCFG. Comme cette pièce a eu le premier prix, du coup la direction du CCFG m’a fait appelle et m’a demandée d’assurer la mise en scène de la présente, j’ai accepté la proposition.
Cette pièce parle de la perpétuelle répétition dans la vie. C’est comme je la prends dans le contexte guinéen où chaque régime pense que le régime précédent n’a rien fait. Du coup on nie tout ce qui est potable. Alors que chaque régime quelque soit sa gestion, laisse toujours quelque chose de potable. Mais quand le mal gagne sur le bien, on n’oublie le coté positif, donc celui qui vient après à l’impression que celui qui a quitté n’a rien fait. Du coup il reprend la vie à zéro au lieu de continuer sur ce qui est déjà fait et finalement on ne fera que s’arrêter sur le point de départ.
Pour moi ces extra-terriens qui pensent que le meilleur c’est l’occident alors que la clé de la réussite se trouve en nous et à chaque guinéen.
Pourquoi aller chercher ailleurs ? Chaque guinéen doit d’abord se regarder et se poser la question la question qu’est ce qu’il doit apporter dans son domaine qui puisse faire évoluer les choses.
Vous pouvez un peu nous parler de la configuration de cette pièce ?
A l’écriture il y’a trois comédiens que moi j’ai réduit à deux, parce que je pense que le troisième personnage se trouve dans leur tête. Je pense que l’errance vient même de ce troisième page.
Donc ces deux personnages sont notamment, Ousmane Coléah Bangoura et Amadou Camara, moi-même j’assure la mise en scène, il y’a un régisseur, créateur lumière qui va venir si Dieu le veut le 05 octobre prochain. Ce dernier va donner un atelier de formation en technique de régie lumière et en même temps, il va faire la création de la lumière du spectacle. Ensuite, il y’a Tata Maté Keïta pour la chorégraphie. Egalement j’ai deux assistants au niveau de la mise en scène notamment, la directrice générale du CCFG et un autre.
Quel appel avez-vous à lancer ?
C’est d’inviter les gens à venir voir cette création. Je ne dirai pas que c’est la création de l’année. Mais chacun de nous essaye d’extérioriser la petite clé qu’on n’a en nous et voir comment l’utiliser pour ouvrir la porte.
Je ne s’aurai terminé sans remercie un monsieur à travers son institution, sans le quel mon rêve serait limité. Je veux nommer KPC, sans lui le régisseur, le créateur lumière ne serait en Guinée alors qu’on n’en a besoin.
Vraiment merci à Guicopres, merci à KPC, merci pour tout ce que vous faites pour la culture guinéenne.
C’est quoi le nom du régisseur ?
C’est Jacob Bamogo du Burkina Faso. Un grand régisseur son-lumière. Dans la sous région, il fait partie des 5 meilleurs. En Afrique de l’ouest je le prends d’abord après viennent les autres. L’avoir donc dans sa création en plus de la formation qu’il va donner, je pense que ce sont les jeunes guinéens qui vont gagner. Ils doivent donc bien profiter de cette formation. Encore merci à Guicopres et merci à KPC.
Propos recueillis par Samba Marco